C’est un débat éternel en perpétuel changement: La façon dont le public consomme leur musique est constamment chamboulée par l’évolution de la technologie, les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Qui n’utilise pas Spotify / Youtube et qui achètent encore des albums physiques en 2023? Remontez à peine 10 ans dans le passé, et votre réponse sera complètement différente.
C’est une question à laquelle des statistiques peuvent vous répondre, mais sur lesquelles il est difficile de se baser. La courbe de changement est si drastique et si dure à suivre que comprendre l’état des choses actuelles ne nous emmène pas très loin. Pour les artistes, la façon de fonctionner et de procéder dans leur évolution est de comprendre la manière dont la musique sera consommée dans les prochaines années.
Il n’y a pas de réponse certaine, seulement de la spéculation – mais il est intéressant de se pencher sur certains sujets. Durant mes années passées à travailler dans l’industrie musicale, une question soulevée très souvent avec les artistes est souvent l’utilité des albums dans notre ère.
Autrefois un must absolu pour tout band, l’album est une milestone qui reste dans l’esprit des artistes, même très jeunes. C’est une “évidence” et une “vérité” difficile à surmonter encore aujourd’hui, mais certains commencent à comprendre des chiffres importants en regardant leurs stats de streaming. Certaines choses sont indéniables : sortir des singles à intervalles réguliers garde une courbe d’écoute constante et beaucoup plus stable que la belle montagne graphique offerte par une sortie d’album. “Mettre tous ses oeufs dans le même panier” serait l’expression la plus représentative dans cette situation : Tout sortir d’un coup en espérant un grand “splash” médiatique.
Dangereux.
La raison pour laquelle la pratique était primordiale à l’époque était le besoin de distribution physique. Vous l’avez remarqué aussi : contrairement aux années 90, nous n’avons pas tous ces bons vieux albums de disques dans la voiture, ou notre étagère bien pleine de copies physiques d’albums. Spotify est à un seul clic, c’est gratuit, c’est facile. L’achat d’albums, même en ligne, est une option que choisissent les gens lorsqu’ils sont particulièrement fans ou veulent encourager l’artiste financièrement. De très bonnes raisons pour encourager les artistes, mais des raisons circonstancielles tout de même. Dans une ère ou la reproduction physique d’albums n’est plus nécessaire, de nouvelles options et façons de procéder s’alignent devant nous. Si à l’époque, des singles ne pouvaient pas être vendus chez les disquaires, l’importance de sortir un album devenait une évidence. Nous n’avons plus ce problème.
D’autres arguments dans le débat de l’utilité d’un album est aussi la longueur du processus de création. Beaucoup d’artistes vont compléter un album dans l’espace de plusieurs mois (écriture, enregistrement, mix/master, logistique, création de support visuel, etc)
C’est un long processus. Durant tous ces mois, l’artiste qui continue son évolution musicale peut facilement se retrouver avec de meilleures compositions, des textes plus solides ou littéralement un changement dans le style musical. Lorsque l’album, toujours en processus, est enfin terminé, il peut facilement ne déjà plus être représentatif de la qualité de musique d’un artiste. On sort donc l’album un peu à contre cœur et on passe au prochain avec le nouveau matériel. Et le cycle reprend de plus belle.
Nous pourrions aussi parler de l’aspect financier impliqué dans ce processus, mais je vous laisse intégrer tout ça au contexte expliqué plus haut.
Comment commercialiser sa musique
Le single, le EP, l’album est complet. Il est enfin distribué numériquement, disponible sur toutes les plateformes. C’est maintenant que l’information doit se rendre au public ciblé.
C’est une tâche plus difficile qu’initialement imaginée, puisqu’elle est aussi ponctuée de plusieurs idées préconçues. Artistes indépendants ou maisons de disques, une fois leur budget établi, vont réfléchir à des stratégies de commercialisation. Leurs premières idées seront très évidentes : Radios, périodiques, affichage. C’est de cette façon que l’industrie musicale fonctionne encore, pour l’instant. Voir un article dans un journal à propos de son dernier album, c’est une victoire concrète – mais quelle est sa véritable valeur?
Il y a certaines questions à se poser sur l’utilité des mainstream medias lorsque l’on est un artiste émergent. Dans le cas ou personne n’a dû payer pour être ajouté en ondes, dans une playlist ou dans un article, c’est une victoire qui justifie encore l’effort : appeler des médias, envoyer des courriels, c’est du temps et de l’énergie à consacrer, des employés à payer (comme c’est le cas pour un label, par exemple) mais prenons tout de même un moment pour évaluer la valeur de cette victoire avec une simple question.
Quand avez-vous découvert un artiste à travers la radio ou les journaux pour la dernière fois? Est-ce une chose fréquente?
La réponse pour la majorité d’entre nous n’est pas très reluisante, et c’est normal. Notre façon de consommer la musique est souvent très différente. Des algorithmes sur spotify, des playlists sur shuffle, des reaction videos sur youtube : Il y a plusieurs réponses. Un facteur très important à garder en tête, cependant, est la façon dont vous voulez rejoindre votre public cible. Un band métal va trouver comique de se retrouver dans le Journal de Montréal, mais son public cible ne le lis pas. De la publicité payée dans des threads sur Reddit, cependant, aurait pu faire un plus long bout de chemin vers leur fanbase. Comme pour une étude de marché lors de la vente d’un produit, il est important de mettre le doigt sur les communautés qui sont ouvertes à consommer votre nouveauté.
La présence sur les médias sociaux est aussi un aspect très important dans la commercialisation de nouveau contenu. Il y a 5 ans, la réponse à la question “Ou concentrer mes efforts” aurait été relativement simple: Facebook, Instagram. Aujourd’hui, Facebook est difficilement considérable – Instagram est encore une option valable, mais Tiktok est maintenant l’incontournable dans la consommation musicale. Tellement, même, qu’elle est responsable de la popularisation de plusieurs artistes en un temps record : Lil Nas X, Doja Cat, Olivia Rodrigo et bien d’autres sont des produits de cette nouvelle plateforme (N’enlevons toutefois rien à leur talent ou à leur créativité).
C’est une réalité toutefois éphémère. Dans 5 ans, la pertinence des plateformes que nous connaissons aura changé, et de nouvelles applications auront vu le jour. Rien à faire de ce côté, si ce n’est de rester le plus à jour possible, observer les tendances, suivre les exemples d’autres artistes.
Ce qu’il y a à comprendre concernant les médias sociaux cependant, c’est l’impact qu’ils ont sur la façon dont la musique fait surface dans notre société. Si jadis, les tendances étaient régulées et contrôlées par les gros joueurs (Les Universal, Sony et Warner) qui nous offraient une poignée d’artistes, les menant littéralement au statut de “légendes”, des plateformes comme Tiktok brouillent les cartes en rivalisant avec la musique la plus populaire. L’attention ne sera plus jamais portée seulement sur une élite, et sera toujours divisée dans un plus grand pool d’artistes. C’est une information importante lorsqu’on considère qu’il y a une porte ouverte pour les artistes, et un chemin bien différent que celui emprunté il y a à peine une dizaine d’années.
Nous pourrions discuter bien longtemps de stratégies de commercialisation dans lesquelles personne n’aurait la vérité infuse. L’essence à retenir toutefois, afin d’être capable de faire compétition aux millions d’artistes actifs à travers le monde, se résumera toujours à une seule conclusion (Si on élimine la base, soit la qualité de votre musique): La capacité d’adaptation. Acceptez que ce que vous connaissez n’est peut-être plus valide et demandez autour de vous, aux gens qui écoutent le style musical que vous faites vous-mêmes, comment ils écoutent de la musique. Plus votre échantillon sera grand, plus le chemin devant vous sera clair.
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