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Notre journaliste Marc Desgagné de MetalUniverse.net a récemment eu l’occasion de s’entretenir avec Ben Gilbert, chanteur, guitariste et compositeur du groupe québécois Cope Land, à l’occasion de la sortie de leur tout nouvel album Expire, lancé le 14 février 2025.
Avec ses textes bilingues percutants et son amalgame audacieux de jazz, rap, rock alternatif et progressif, Expire se présente comme une œuvre dense, engagée et viscérale, en parfaite résonance avec les bouleversements de notre époque. Dans cette entrevue, Ben Gilbert nous plonge au cœur de ce deuxième album chargé, où émotions brutes et réflexions sociales s’entrelacent sur fond de rythmiques éclatées et de fusions sonores inattendues.
Note de la rédaction : Pour cette entrevue, Ben Gilbert répond à la première personne, « je », afin de faciliter la compréhension du texte.
MU: Expire est sorti le 14 février. Comment décririez-vous l’évolution de votre son depuis votre premier album ?
Cope Land : La principale différence c’est que notre premier album est majoritairement instrumental, tandis qu’on a incorporé beaucoup plus de vocal sur le nouvel album. Des chants soient rappés ou chantés sont présents sur toutes les trames sauf un, dans un contexte de pièces plus concises : plus rock, plus écrites, avec un peu moins d’improvisation.
MU: Votre musique fusionne jazz, hip-hop, rock alternatif, progressif et métal. Comment abordez-vous la composition pour que ces styles s’harmonisent naturellement ?
Cope Land : J’ai toujours écouté vraiment de tout dans mon cheminement. Cette harmonie n’est justement pas trop pensée et elle suit vraiment les inspirations du moment. Ce qui en ressort finit juste par être assez éclectique, vu ses multiples influences. Il a par contre clairement un souci de cohérence, et de bien unir les différentes sections des chansons. Si on a l’impression de passer avec effort vers une nouvelle section, ou de trébucher, c’est sûrement qu’il a quelque chose qui ne fonctionne pas. J’essaye souvent aussi d’avoir un concept lousse, chanson par chanson, pour me guider : ex. dans Attention Span je voulais écrire quelque chose de vite, et d’écrire des couplets de rap en temps irréguliers. Sur Enfin, en collaboration avec Jeanne, j’ai activement essayé d’écrire quelque chose de plus doux et chantant.
MU: Expire aborde des thèmes comme la montée de la droite, les changements climatiques et notre relation aux réseaux sociaux. Quel événement ou réflexion a été le point de départ de ces sujets ?
Cope Land : Principalement la réalité dans laquelle nous vivons. C’est un album très d’actualité dans ce sens-là. Plusieurs des compositions ont été écrites vers la fin de la pandémie, quand ceci nous affectait encore beaucoup. Sinon, il ne faut que regarder au sud, avec ce qui se passe aux États-Unis, en Palestine et en Ukraine, et de voir les impacts déjà apparents des changements climatiques pour constater que l’on vit dans un monde très épeurant et en danger. Les pièces de l’album font que relater une expérience personnelle de vivre dans le monde en 2025.
MU: L’album évoque aussi des enjeux plus personnels comme la dépression (Tombée), la difficulté à exprimer ses émotions (À Cage) et la toxicomanie (Shame). Quelle importance accordez-vous à l’aspect cathartique de votre musique ?
Cope Land : Je dirais que ce n’est pas quelque chose que je fais consciemment, mais plutôt que c’est des sujets qui m’affectent, et donc que j’avais envie d’en parler dans mon art. Faut préciser que les paroles de Tombée ont été écrites par Jeanne Laforest, donc faudrait y poser la question pour l’aspect cathartique. La pièce à cependant été écrite pour une amie accablée par la dépression que Jeanne ne reconnaissait plus. Même si ce n’était pas intentionnel, faut dire qu’écrire de la musique en général peut être très cathartique, et que je m’en sers souvent pour extérioriser mes émotions.

Expire – Liste des pièces :
- Attention Span
- Tombée
- A Cage
- Breathe
- Limbo (interlude)
- MIA
- Shame
- Heartbeat
- Enfin
MU: L’ordre des pistes a été conçu pour tracer un portrait narratif. Quel message souhaitez-vous que les auditeurs retiennent après avoir écouté l’album dans son intégralité ?
Cope Land : Je dirais que l’album s’agit moins d’un essai, et plus d’un témoignage, si on peut dire ça de-même. Le but est moins d’endoctriner, mais plus de faire part de réalité, et des effets que ces réalités ont sur le monde. Ce témoignage est par contre définitivement conçu en « portrait narratif » de quelque sorte. J’ai pensé créer un genre de « sandwich » de notre réalité avec les deux pièces les plus ouvertement dénonciatrices Attention Span et Real Life Video Game, dans lequel se faufilent des expériences plus personnelles.
MU: Lors de votre lancement le 14 mars, quelle a été votre réaction en voyant le public découvrir ces nouvelles chansons en live ? Y a-t-il un moment fort qui vous a particulièrement marqué ?
Cope Land : Le public semble avoir adoré! On avait une très belle foule de 150 personnes. Vers la fin de la performance j’ai été heureux de voir un groupe de personnes commencer un « mosh pit » sur une de nos pièces les plus heavy.
MU: La saturation et l’impuissance face au monde actuel sont des thèmes récurrents sur l’album. Malgré tout, trouvez-vous encore des raisons d’espérer ?
Cope Land : Il faut espérer! Que l’on trouve des raisons ou non. Par contre, je pense qu’il a toujours eu, et il a va toujours avoir de la résistance… Les organisations, et initiatives « grassroots ». Je pense que si on parle spécifiquement de la saturation en ligne, et l’effet que ça l’a sûr la consommation de l’art, on voit pour la première fois en 2025 une vraie résistance aux réseaux sociaux, par exemple. Les gens boycottent, utilisent moins les réseaux, et trouvent d’autres méthodes de communications : les newsletters, le bon vieux bouche à oreille… C’est encourageant de voir les gens remettre en question ces piliers du monde informatique que sont Facebook et Instagram.
MU: Votre approche musicale et thématique sort des sentiers battus. Avez-vous eu des réactions inattendues, positives ou négatives, depuis la sortie de Expire ?
Cope Land : Je dirais qu’en faite la réaction s’approche assez de ce que je m’attendais : L’album est très apprécié des mélomanes, en particulier les amoureux/ses du prog/métal/jazz. En revanche, c’est sûr que c’est une musique qui est peut-être trop variée et bizarre pour plaire aux masses
MU: Y a-t-il une chanson de l’album qui vous a particulièrement challengés en studio, que ce soit au niveau de l’écriture ou de l’enregistrement ?
Cope Land : Tombée était une pièce qui s’est écrite elle-même au niveau de la composition, mais qui fût assez difficile à faire sonner comme on voulait en studio. Pour commencer, au niveau de la batterie, c’est une pièce très difficile et rapide, donc il a fallu plusieurs « takes » pour en avoir une bonne de sections rythmiques. Après, ça l’a pris un bon moment pour trouver les bons tons de guitares pour la pièce. En général, en tant que guitariste je trouve peut-être la plus difficile en studio c’est de trouver les bons sont de guitares « heavy ». Toujours en multi-tracking, très difficile de trouver la balance entre lourdeur/clarté/fréquences…
MU: Si Expire était une bande sonore pour un film, quel genre de film ce serait et qui en réalise la mise en scène ?
Cope Land : Science-Fiction dystopique! Mon réalisateur préféré c’est Stanley Kubrick, mais si on est pour aller pour quelqu’un d’actuel, soit Denis Villeneuve, ou Paul Thomas Anderson.
MU: En tant que groupe émergent, quelle est la chose la plus difficile à gérer dans votre parcours musical ?
Cope Land : En tant que band leader du groupe, c’est littéralement tout ce qui n’est pas musique. Booking, planifications, horaires… gérer du monde. Par contre pour moi, particulièrement en ce moment, je ne trouve rien de plus drainant que de faire la promotion sur les réseaux sociaux. Tellement que j’ai écrit des pièces sur l’album à ce sujet (Attention Span en particulier)!
MU: La scène metal québécoise est riche et diversifiée. Comment percevez-vous son évolution et sa place sur l’échiquier musical actuel ?
Cope Land : Sans en être un expert, je dirais que le métal à toujours été une musique niche, qui plaît à un public de niche… et ce n’est pas une mauvaise chose. Son succès vient du fait qu’il n’essaye pas de plaire à un public plus vaste. À cause de cela, la scène de métal est à quelque part plus assurée de perdurer dans le temps, puisqu’elle est moins affectée par les tendances mainstreams. Dans ce sens, la scène métal (et métal québécoise) va mieux que jamais!
MU: Y a-t-il un ou des thèmes que vous aviez en tête pour cet album, mais qui, au final, ne s’intégraient pas dans la vision globale de Expire ?
Cope Land : Pas vraiment non. En commençant le processus, j’étais déjà très clair sur ce que je voulais faire. Je dirais que moi et Jeanne on a donc écrit la musique avec ce but clair en tête, et donc que la musique est sortie avec cela en tête.
MU: Vous avez déjà un style bien à vous, mais y a-t-il un artiste ou un groupe avec qui vous rêveriez de collaborer pour aller encore plus loin dans votre démarche musicale ?
Cope Land : Vite de même faudrait que j’y pense. Mais je prendrais l’opportunité de souligner le show que l’on vient de faire en première partie du groupe anglais Maruja le 21 mars dernier. Stylistiquement, c’était un match parfait (surtout pour notre musique plus heavy) et le show complet était vraiment un super succès que j’espère pourra nous catapulter un peu. Par rapport à des collaborations futures, sans avoir personne spécifiquement en tête, j’adorerais collaborer avec d’autres rappeurs en mode « feature » sur des releases futures.
MU: Merci pour votre temps ! Avez-vous une dernière chose à ajouter pour vos fans et ceux qui découvrent Cope Land avec Expire ?
Cope Land : Simplement de vous remercier d’écouter notre musique et aussi de les assurer que ce n’est qu’un début. On a très hâte de se produire d’avantage sur scène, en commençant par le 25 avril, ou on joue l’après show pour la légende du prog rock Dweezil Zappa! [ Billets ]
▶ L’album « Expire » est disponible sur toutes les plateformes numériques et via ce lien : https://linktr.ee/Cope.land.sound
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Playlist YouTube:
ENGLISH version
Our journalist Marc Desgagné from MetalUniverse.net recently had the opportunity to sit down with Ben Gilbert, lead vocalist, guitarist, and composer of the Montreal-based band Cope Land, to discuss the release of their brand-new album Expire, launched on February 14, 2025.
With its striking bilingual lyrics and bold blend of jazz, rap, alternative rock, and progressive elements, Expire stands as a dense, committed, and visceral work, perfectly resonating with the upheavals of our time. In this interview, Ben Gilbert takes us deep into the heart of this second album, where raw emotions and social reflections intertwine against a backdrop of fragmented rhythms and unexpected sound fusions.
Editorial note: For this interview, Ben Gilbert responds in the first person, « I, » to make the text easier to understand.
MU: Expire was released on February 14. How would you describe the evolution of your sound since your first album?
Cope Land: The main difference is that our first album is mostly instrumental, whereas on the new album, we’ve integrated many more vocals. Whether rapped or sung, the vocals are present in almost every track except one, in a more concise context: more rock, more written, with a little less improvisation.
MU: Your music blends jazz, hip-hop, alternative rock, progressive, and metal. How do you approach composition so that these styles blend naturally?
Cope Land: I’ve always listened to a lot of different things throughout my journey. This harmony isn’t really planned; it just follows the inspirations of the moment. What comes out is quite eclectic due to the many influences. There’s still a search for coherence, to ensure that the different sections of the songs are well connected. If we feel like we’re forcing a transition or it’s a bit awkward, it’s probably not working. I often try to have a loose concept for each song to guide me. For example, on Attention Span, I wanted to write something fast and have rapped verses with an irregular timing. On Enfin, in collaboration with Jeanne, I really tried to write something softer and more melodic.
MU: Expire addresses themes like the rise of the far right, climate change, and our relationship with social media. What event or thought sparked these topics?
Cope Land: Primarily the reality we’re living in. It’s a very current album in that sense. Several of the compositions were written at the end of the pandemic, when it still had a big impact on us. Otherwise, you just have to look south, with what’s happening in the U.S., in Palestine, in Ukraine, and see the visible effects of climate change to realize that we’re living in a very frightening and endangered world. The tracks on the album reflect the personal experience of living in the world in 2025.
MU: The album also touches on more personal issues like depression (Tombée), the difficulty of expressing emotions (À Cage), and addiction (Shame). What role does catharsis play in your music?
Cope Land: I’d say it’s not something I do consciously, but rather subjects that affect me, so I wanted to talk about them in my art. I should mention that the lyrics of Tombée were written by Jeanne Laforest, so you should ask her about the cathartic aspect. However, the song was written for a friend who was overwhelmed by depression, a person Jeanne didn’t recognize anymore. Even though it wasn’t intentional, I’d say that writing music in general can be very cathartic, and I myself often use it to express my emotions.
MU: The tracklist was designed to create a narrative portrait. What message would you like listeners to take away after listening to the album as a whole?
Cope Land: I’d say the album is more of a testimony than an essay, if that makes sense. The goal is less to indoctrinate, but rather to share the reality and its effects on the world. That testimony is designed as a kind of « narrative portrait. » I thought of creating a « sandwich » of our reality with the two most critical tracks, Attention Span and Real Life Video Game, surrounded by more personal experiences.
MU: At your release show on March 14, what was your reaction seeing the crowd discover these new songs live? Was there a particular moment that stood out to you?
Cope Land: The crowd seemed to love it! We had a great turnout of 150 people. Toward the end of the show, I was happy to see a group of people start a mosh pit during one of our heaviest tracks.
MU: Saturation and helplessness in the face of today’s world are recurring themes on the album. Despite that, do you still find reasons to hope?
Cope Land: You have to hope! Whether you find reasons or not. That said, I think there has always been, and always will be, resistance… grassroots organizations and initiatives. More specifically, when we talk about digital saturation and its effects on art consumption, we are now seeing for the first time in 2025 a real resistance to social media. People are boycotting, using social media less, and finding other ways to communicate: newsletters, the good old word of mouth… It’s encouraging to see people question these pillars of the digital world like Facebook and Instagram.
MU: Your approach to music and themes is quite unconventional. Have you received any unexpected reactions, positive or negative, since the release of Expire?
Cope Land: I’d say the reaction has been pretty much what I expected: the album is really appreciated by music lovers, especially those who enjoy prog/metal/jazz. However, it’s definitely music that can be too varied and strange for the general public.
MU: Is there a song on the album that particularly challenged you in the studio, whether in writing or recording?
Cope Land: Tombée is a track that wrote itself compositionally but was quite difficult to make sound the way we wanted in the studio. For starters, the drums were really fast and difficult, so it took several takes to get the right rhythm section. Then we spent a lot of time finding the right guitar sounds for the track. In general, as a guitarist, I find that the hardest part in the studio is finding the right « heavy » sound for the guitars. Multi-tracking always makes it tricky to find the right balance between heaviness/clarity/frequencies…
MU: If Expire were a soundtrack for a movie, what kind of movie would it be and who would be the director?
Cope Land: It would be a dystopian science fiction film! My favorite director is Stanley Kubrick, but if I had to choose a current one, it would be either Denis Villeneuve or Paul Thomas Anderson.
MU: As an emerging band, what’s the hardest thing to manage in your musical journey?
Cope Land: As the band leader, it’s literally everything that’s not music. Booking, planning, schedules… managing people. However, for me right now, nothing is more exhausting than promotion on social media. It’s so overwhelming that I wrote songs about it on the album (especially Attention Span)!
MU: The Quebec metal scene is rich and diverse. How do you perceive its evolution and its place in today’s musical landscape?
Cope Land: Without being an expert, I’d say metal has always been niche music that attracts a niche audience… and that’s not a bad thing. Its success comes precisely from the fact that it doesn’t try to please a wider public. As a result, the metal scene is kind of more likely to endure over time because it’s less affected by mainstream trends. In that sense, the metal scene (and Quebec metal) is better than ever!
MU: Were there any themes you had in mind for this album but that didn’t fit into the overall vision of Expire?
Cope Land: Not really. From the beginning of the process, I was very clear about what I wanted to do. I’d say Jeanne and I wrote the music with this precise idea in mind, which is why it came out the way it did.
MU: You already have a unique style, but is there an artist or band you’d dream of collaborating with to push your musical journey even further?
Cope Land: Right off the bat, I’d have to think about it. But I’d like to take this opportunity to mention the show we recently played opening for the British band Maruja on March 21. From a stylistic standpoint, it was a perfect match (especially for our heavier music), and the show was a huge success, which I hope will help propel us. As for future collaborations, without having anyone specific in mind, I’d love to collaborate with other rappers for « features » on our upcoming releases.
MU: Thanks for your time! Do you have anything to add for your fans and those discovering Cope Land with Expire?
Cope Land: Just a simple thank you to those who are willing to listen to our music and assure them that this is just the beginning. We can’t wait to play more shows, starting with the April 25 show where we’ll be at the after-show of the legendary Dweezil Zappa!
by MARC DESGAGNÉ