Entrevue réalisée avec Lawrence « Loz » Taylor du groupe metalcore britannique WHILE SHE SLEEPS par Raphaël Drouin de MetalUniverse.net. Leur cinquième album Sleeps Society est sorti le 16 avril 2021 via Spinefarm Records.
MU : Votre nouvel album est maintenant sorti, comment a-t-il été reçu? Est-ce que le lancement s’est déroulé selon vos attentes?
WSS : C’est toujours stressant, c’est certain. C’est comme peindre un tableau seul dans son atelier puis sortir pour le montrer à tout le monde et l’exposer au jugement des autres, en quelque sorte. Au final, l’album a été incroyablement bien reçu, tout comme les singles qu’on avait sortis initialement. Nous avons pu rencontrer nos fans à quelques reprises à l’occasion de la sortie de l’album, quand on a fait des « pop-up stores ». Nous ne pouvons toujours pas faire de spectacles, mais c’était super de pouvoir avoir un contact avec nos fans, dans un endroit sécuritaire. Nous sommes vraiment emballés par toutes les réactions positives que nous avons reçues.
MU : Le fait de créer un album en sachant que ce ne sera pas possible de faire des spectacles dans un avenir rapproché, est-ce que ça change votre approche par rapport à l’écriture et à la conception de la musique?
WSS : Ça n’a pas changé grand-chose pour nous. Nous gardons toujours en tête qu’on aura à jouer les chansons live sur une scène un moment donné, avec un public, qu’on veut voir participer et chanter avec nous. Le processus d’enregistrement a été un peu affecté par la pandémie, par contre, il y a eu des interruptions. Par contre, notre état d’esprit était toujours le même, nous avons toujours gardé le même but en tête, c’est-à-dire jouer l’album live.
MU : En parlant de fans, on peut entendre la « Sleeps Society » chanter sur Call of the Void. Est-ce qu’on peut les entendre à d’autres endroits sur l’album?
WSS : En fait, on peut carrément dire qu’ils ont rendu possible la sortie de cet album-là. De savoir qu’on a un revenu stable qui nous permette de continuer de produire, c’est rassurant. Il y a des bands qui ont été pris à se chercher un emploi temporaire pendant la Covid. On est chanceux de pouvoir compter sur le support qu’on a de la communauté en ces temps difficiles.
Dans Call of the Void, la « Sleeps Society » chante les paroles d’une des premières chansons qu’on a écrites, « Crows ». On entend “Give me your hands, this is the end…”. C’est comme un « Easter Egg ». Les gens qui ne connaissent pas nos premières chansons ne sauront pas que ces paroles viennent de là , mais les fans du tout début vont comprendre la référence. En tout cas, c’est super de savoir qu’on a le support de nos fans et ce fut incroyable de pouvoir pousser ça encore plus loin, de les inclure encore plus, ça nous a donné un bon coup de pouce pour arriver à produire l’album.
MU : Le fait d’avoir un lien avec les fans, est-ce que ça efface un peu la barrière entre l’artiste et l’art? On entend parfois « j’aime sa musique, mais je n’aime pas la personne ». Je pense, par exemple, à Tim Lambesis. Est-ce que ça vous pousse, en quelque sorte, à rester de bonnes personnes?
WSS : Tout le monde fait des erreurs, on n’est pas programmés pour toujours faire la bonne chose automatiquement tout le temps. Ça me fait penser aux paroles de Call of the void « I lust for all that takes from me, it don’t sleep ». On veut souvent ce qui n’est pas bon pour nous. Le message que While She Sleeps veut transporter c’est d’être unis, de ne pas laisser tomber, de ne pas se laisser emporter par le système. C’est ce qui nous habite aussi en tant que personnes. On ne peut pas promouvoir ça auprès de nos fans sans nous-mêmes l’incarner. Les gens nous disent souvent qu’on les aide par notre musique, donc ça nous influence dans nos vies aussi et ça nous encourage à continuer dans cette direction.
MU : Vous avez dit que les paroles de cet album étaient plus centrées sur des expériences personnelles, qu’elles étaient moins politiques. D’où est venue cette idée?
WSS : Dans les dernières années, nous avons essayé de ramener une balance dans nos vies. On passe beaucoup de temps sur la route, on est entourés de party, d’alcool, de drogues. Ça peut nous affecter. J’ai essayé de me distancer de ça, d’être sobre plus souvent. Sean aussi est parti sur cette lancée.
Sur l’album, une fois qu’on a adressé le message plus politique par rapport à l’industrie musicale, on veut surtout promouvoir la positivité et que les gens ne se sentent pas seuls, et passer le message que d’être solidaires est toujours le meilleur moyen de passer au travers. Ce message-là a toujours été là, mais la perspective a changé. Avant, c’est comme si on mettait le blâme sur des personnes ou des événements et qu’on disait « on est ensemble là-dedans », mais maintenant, c’est plutôt un partage de nos propres expériences des dernières années.
MU : Dirais-tu que la meilleure musique, surtout dans le métal, est celle inspirée par des expériences difficiles?
WSS : Ça dépend des goûts de l’individu qui écoute la musique. C’est pourquoi la musique est aussi diversifiée, il y en a pour tout le monde. Mais je comprends ce que tu veux dire, c’est vrai que la phase « d’illumination » après avoir vécu des moments difficiles peut être très inspirante. En tant qu’auteur, c’est clair que je parle de mes expériences passées et non de quelque chose de fictif. Nous essayons de rester vrais, de parler aussi de ce que nous avons vus ou entendus dans les médias.
MU : Dans un monde où ta vie irait toujours à la perfection, il n’y aurait pas grand-chose à écrire?
WSS : Exactement. C’est sûr que dans un band metal, hardcore, punk, ce n’est pas toujours rose, tu as besoin d’avoir des sujets auxquels les gens peuvent se rattacher. C’est clair que c’est toujours plus « hard », on parle de choses qui nous fâchent et qui nous déplaisent dans le monde.
MU : Parlons de la dernière chanson de l’album, « DN3 3HT ». C’est un code postal? Qu’est-ce que ça signifie?
WSS : Quand j’ai joint le groupe, j’étais éducateur spécialisé dans une école, et le guitariste Mat Welsh est venu me chercher. J’ai littéralement déchiré mon gilet, je me suis fait un bandeau avec et on est juste partis s’installer dans le local où on a commencé à écrire The North Stands for Nothing. Les gars du band disaient que la seule façon de réussir était d’y mettre notre focus à 100 %, alors on passait des semaines entières à écrire, sans retourner à la maison, on dormait chez les parents de Mat. C’est de là qu’est né le code postal. Ce n’est pas exactement le même, mais c’est dans le même secteur. C’est là où j’ai quitté mon travail, que j’ai joint le band et qu’on a réellement commencé. Aussi, si on lit DN3 3HT à l’envers, ça fait « The End ».
MU : Il y a beaucoup de voix qui parlent sur cette chanson. Est-ce que tu y participes également?
WSS : Oui. Tout le monde a pris le temps de dire un petit quelque chose pour passer un message de gratitude, pour dire à nos fans qu’on est reconnaissants, leur dire qu’on ne les tient pas pour acquis. Je me souviens quand j’étais jeune, je regardais les livrets dans les CD, il y a avait les paroles puis, à la dernière page, les remerciements. On trouvait important de faire la même chose, donc DN3 3HT est l’équivalent, mais on trouvait cool de faire ça en version audio.
MU : C’est une super chanson de fin. Par contre, je n’ai pas trouvé les paroles écrites, est-ce normal?
WSS : Effectivement, on voulait que les gens écoutent.
MU : Vous avez une chanson qui s’appelle « PYAI ». Que signifient ces lettres?
WSS : « Place Your Attention Inward ». Ça réfère au fait d’essayer de trouver une balance, d’être positif, de connecter avec nos émotions. De plus, avec la plupart des chansons qui sont plus heavy, plus metal, on aime donner de l’espace pour que les gens respirent, prennent le temps d’apprécier ce qu’ils viennent d’entendre, mais aussi rafraichir leur palette avant de repartir sur des chansons plus heavy. Ça crée une belle diversité au lieu d’être unidimensionnel.
MU : Sur l’album, vous avez Simon Neil et Deryck Whibley comme invités. Vous n’avez pas eu beaucoup d’invités dans le passé, est-ce que c’est une nouvelle direction que vous souhaitez prendre?
WSS : On est toujours ouverts aux collaborations. Sur « Dead Behind the Eyes », on avait Andrew Neufeld de Comeback Kid, qui est un de mes groupes préférés. C’est un peu difficile parfois d’inviter des gens, tout le monde est très occupé. Ça arrive qu’ils acceptent, mais qu’ils ne sont pas disponibles au moment où l’enregistrement commence (tournée, enregistrement de leur propre album, repos vocal…). Il y a tout ça qui entre en ligne de compte.
Nous trouvions intéressant d’aller chercher un autre type de chanteur, quelqu’un qui n’est pas dans le metal core, car c’est notre registre, on est capable de faire ça nous-mêmes. Simon Neil a fait un travail incroyable sur « Nervous ». Son enthousiasme pour la chanson, le message derrière, ses idées, nous avons pratiquement tout gardé de ce qu’il avait fait, c’était génial, c’est une personne très agréable à travailler.
Avec Deryck Whibley aussi, c’était super, définitivement un moment marquant pour nous. Nous avons presque tous été fans de Sum 41 dans notre jeunesse et encore aujourd’hui. Si on m’avait dit quand j’étais jeune qu’il aurait joué sur notre album un jour, je n’y aurais jamais cru.
C’était un honneur de travailler avec eux. Deux personnes qui ont du succès dans leur propre projet, mais qui sont humbles et terre à terre. On sait que la célébrité peut monter à la tête et changer certaines personnes, mais je trouve important de mentionner que ce n’est pas leur cas du tout.
MU : En terminant, pourrais-tu nous nommer une chanson, d’un autre artiste, que tu as récemment découverte et aimée?
WSS : Un nouveau groupe que j’avais déjà entendu avant, mais que j’ai découvert davantage récemment est Teenage Wrist, avec sa chanson Earth is a Black Hole. C’est un peu plus « chill » comme style, je dirais alt rock, mais je ne sais pas exactement quel est le genre. En tout cas, l’album est très bon.
MU : Et comment décrirais-tu le genre actuel de While She Sleeps?
WSS : Ça a toujours été un peu difficile pour nous de nous attribuer un genre. Ça a été changeant au fil des albums, car nos influences sont variées, pas juste metalcore. En ce moment, je dirais punk rock metal core. Il y a beaucoup d’influences rock, un peu de punk rock, mais metalcore aussi. Je dirais metal core mélodique, mais on a aussi des sons plus vintage parfois. On essaye d’expérimenter en studio, on reste ouverts d’esprit. Si tu restes toujours à l’intérieur de ton terrain habituel, ça peut devenir ennuyant, les gens cherchent quelque chose qui sort de ça. On veut trouver notre propre chemin à travers les différentes influences. L’important est d’aimer ce qu’on fait et que nos fans aiment ça également.
MU : On a bien hâte de pouvoir vous voir live! Y aura-t-il une version deluxe de l’album?
WSS : On a eu une réception très positive de nos vinyles, que ce soit en ligne ou quand on a fait nos boutiques « pop-up » en Angleterre. Je ne peux pas dire exactement ce qu’on va faire, mais il y aura définitivement des nouveautés.
🎧 Écoute / Stream / Commande l’album « Sleeps Society » : https://whileshesleeps.lnk.to/SLEEPSSOCIETY
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