Entrevue avec l’autrice Edith Bernier à propos de la biographie « Rudy en 23 tounes », Rudy Caya, Vilain Pingouin et son parcours

PAR MARC DESGAGNÉ
[Rédacteur]
[Propriétaire MU Média – MetalUniverse.net]

Entrevue avec Edith Bernier, raconter Rudy Caya autrement, une biographie en 23 chansons

Marc Desgagné de MetalUniverse.net s’est entretenu avec l’autrice Edith Bernier à l’occasion de la parution de Rudy en 23 tounes, une biographie musicale consacrée à Rudy Caya de Vilain Pingouin. Après deux livres portant sur la grossophobie, l’autrice signe ici un virage vers la musique québécoise, un univers qui l’habite depuis toujours.

Dans cette entrevue, Edith Bernier revient sur la genèse du projet, son lien affectif avec la scène québécoise des années 1990, le choix d’un récit structuré autour de chansons plutôt que d’une chronologie classique, ainsi que les défis d’écrire un portrait juste et humain d’un artiste aussi prolifique que résilient.

MU: Tout d’abord, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Vos deux premiers ouvrages portaient sur la grossophobie. Qu’est-ce qui vous a donné envie de sortir complètement de ce créneau pour vous tourner vers une biographie musicale?

Edith Bernier : J’avais l’impression que, personnellement, j’avais dit ce que j’avais à dire sur la discrimination à l’égard des personnes grosses. Du moins, en format livre. Pour le reste, il me reste encore la plateforme Grossophobie.ca pour explorer ça. Dans tous les cas, je crois que je voulais montrer, autant au public qu’à moi-même, que je peux écrire sur plus qu’un sujet et dans plus qu’un style. Ayant toujours été une grande fan de musique – je rêvais de devenir la prochaine Claude Rajotte! –, l’idée d’écrire sur le sujet est venu assez naturellement. Et ma formation de journaliste a fait le reste du travail en me guidant vers le choix de la biographie.

MU: Vous mentionnez avoir grandi avec la musique québécoise des années 1990 et conservé vos cassettes originales de Vilain Pingouin. Comment cette relation affective a-t-elle influencé votre démarche d’écriture?

Edith Bernier : Depuis que je les ai découvertes, les chansons de Vilain Pingouin (et celles de nombreux autres artistes de la scène rock francophone du Québec de l’époque) n’ont jamais arrêté de faire partie de ma rotation musicale et de ma vie. C’est sans doute pour ça que l’idée de faire une bio de Rudy est venue aussi vite. D’ailleurs, je ne crois même que je cherchais vraiment à me lancer dans un troisième livre avant d’avoir le flash de faire Rudy en 23 tounes. Dans ce cas-ci, c’est l’idée qui m’a donné envie de l’écrire, et non pas l’envie d’écrire qui m’a fait réfléchir à un nouveau projet de livre.

Et cette relation affective-là, elle peut être un piège, quand on écrit et côtoie un artiste pour qui on a un grand respect. Le plus grand défi est probablement de faire un portrait juste et d’être capable de ne pas présenter la personne à travers des lunettes roses ou de mettre la personne sur un piédestal. Rudy est plus que le gars adoré par des milliers d’admirateur(ice)s. Oui, il est vraiment sympathique, mais ce n’est pas un gars parfait. Il a ses petits travers qui font partie de lui et qui devaient ressortir dans le livre, au risque de tomber dans l’hagiographie…

MU: Vous êtes journaliste de formation, fondatrice de Grossophobie.ca et conférencière. Comment l’ensemble de ce parcours a-t-il façonné votre manière d’aborder un projet aussi différent que Rudy en 23 tounes?

Edith Bernier : Ça m’a donné le goût d’aller voir ailleurs! rires Blague à part, j’adore toujours informer et sensibiliser à la grossophobie, même après pas loin de dix ans à explorer ce sujet. Et je n’ai pas l’intention d’arrêter de sitôt, parce qu’il y a encore BEAUCOUP de travail à faire à cet égard…

Un peu comme je l’évoquais précédemment, le choix de faire une biographie découle jusqu’à un certain point de ma formation comme journaliste. Être journaliste, c’est faire des compte-rendu de ce qui se passe, de ce qui s’est passé. Une biographie, c’est comme un long compte-rendu, right? En tous cas, c’est comme ça que j’aime le voir…

Le fait que je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer ma profession dans les médias traditionnels m’a fait me rabattre sur le web pour satisfaire mes envies d’écriture. Le niveau de qualité que je m’impose pour Grossophobie.ca est aussi élevé que celui auquel on devrait s’attendre des médias de masse : le plus d’objectivité possible, la rigueur, la crédibilité des sources, etc., c’est hyper important pour moi. Je suis très fière d’être membre de l’Association des journalistes indépendant.es du Québec et je crois qu’avec le temps, le travail que j’ai accompli sur le web a été reconnu comme fiable et pertinent (du moins, si on se fie aux sollicitations fréquentes que je reçois à titre de personne-ressource sur les enjeux liés à la grossophobie).

Le lien entre tout ça? Si je n’avais pas écrit mes deux premiers livres sur la grossophobie, je n’aurais jamais connu Nadine, l’éditrice qui a pris le projet de Rudy en 23 tounes chez Saint-Jean. Parce que c’est elle qui m’a proposé d’écrire mon premier livre (Gros·se, et puis?) en 2019! Quand j’ai eu l’idée de faire une biographie de Rudy Caya, c’est tout de suite vers elle que je me suis tournée. Elle est une éditrice extraordinaire et aussi une fan de musique. Je savais qu’elle saurait quoi faire pour qu’un livre comme celui-là atteigne son plein potentiel.

MU: En termes de ton, de recherche et d’émotions, quelles sont les principales différences entre l’écriture de vos deux premiers livres et celle de cette biographie?

Edith Bernier : J’avais un lien personnel avec le sujet de la grossophobie, étant moi-même une personne grosse depuis toujours qui en a vécu. Mais je n’ai pas vécu la vie d’auteur-compositeur-interprète, et encore moins celle de Rudy. Cette fois, je rentrais dans le domaine, dans l’intimité de quelqu’un d’autre… et pas juste un peu, comme tu as pu le lire dans le livre. Avant qu’on se lance dans le livre, ma « relation » avec lui et sa musique se limitait à mon vécu et à mes sentiments inspirés par ses paroles, mais ça s’arrêtait là. On ne s’était croisé qu’une fois, à l’été 2019, après un spectacle de Vilain Pingouin au Festival du maïs de Saint-Damase, le temps d’une photo et d’un autographe. (C’est cette fois-là qu’on a pris la photo qu’on retrouve à la page 15 du livre.) Vraiment pas de quoi écrire un livre, haha!

MU: Le livre est sorti le 1er octobre aux Éditions Saint-Jean. Depuis combien de temps travailliez-vous sur ce projet et comment a-t-il évolué entre les premières rencontres et la version finale?

Edith Bernier : L’idée est venue en juillet 2022. C’est à ce moment-là que j’ai contacté Rudy pour lui demander s’il avait envie d’embarquer dans ce projet. Il devait être occupé et m’a « oubliée » un certain temps, car après l’avoir sollicité, je n’ai pas eu de nouvelles… pendant huit mois. Mais il m’est revenu un samedi soir de février 2023 en me demandant si la proposition tenait toujours. C’est vraiment à partir de ce moment-là que ç’a démarré pour vrai. On a fait quelques rencontres sur Zoom et je me suis lancée dans la recherche à partir de mai 2023. J’ai complété des dizaines d’heures d’entrevues avec lui, en plus de discuter avec sa famille et des membres de Vilain Pingouin et, évidemment, me lancer dans l’écoute intégrale de sa discographie, en groupe et en solo. Je tenais à explorer tous les albums – et toute la carrière – de Rudy, pas juste ses plus gros succès. Après un peu moins de deux ans à faire des entrevues à presque toutes les semaines, le manuscrit a été remis à la fin mars 2025. On – parce que Rudy a été impliqué dans tout le processus – est restés pas mal fidèles au plan original que j’avais soumis à l’équipe de Saint-Jean.

MU: Vous expliquez qu’après seulement deux rencontres exploratoires, vous avez compris que Rudy “était une histoire à raconter en soi”. Qu’est-ce qui vous a frappée aussi rapidement chez lui?

Edith Bernier : À quel point cet homme-là est INARRÊTABLE à tous les niveaux. Il a fait quatre accidents cérébraux vasculaires et beaucoup de gens se seraient sentiraient diminués avec les séquelles avec lesquelles il vit. Ou même juste rendu à son âge. Lui? Jamais! Il s’occupe de son chez lui, écrit et compose des tounes, fait des shows à la grandeur de la province, passe du temps en studio, crée des projets vidéo avec l’intelligence artificielle, alouette… Sa vie est remplie et pas plate du tout!

Et la tête n’arrête pas plus que le body: il est toujours en train de réfléchir à quelque chose, quand il n’est pas carrément occupé sur un projet ou un autre. Il vit à fond, le Pingouin en chef!

MU: Vous décrivez Rudy comme un “intarissable nerd verbomoteur”. Comment cette intensité a-t-elle influencé vos entrevues, vos notes et la structure du livre?

Edith Bernier : Disons que j’ai vite abandonné l’idée de prendre des notes à la main ou même d’essayer de les taper à l’ordinateur. J’avais prévu d’enregistrer nos conversations et ça s’est vite avéré la seule façon de ne rien rater de ce qu’il disait. Le contenu de nos premières rencontres, je l’ai retranscrit… jusqu’à ce qu’il me mette sur la piste d’un programme d’intelligence artificielle qui pouvait le faire à ma place. Heureusement, parce que je ne crois pas que j’aurais fini de tout mettre par écrit à l’heure actuelle… Nos entrevues duraient trois à trois heures et demie en moyenne, imagine!

Depuis mes premières entrevues que j’ai faites pour le journal étudiant quand j’étais au cégep à Matane en 1999, je privilégie l’enregistrement sous une forme ou une autre. Pour plusieurs raisons, dont l’exactitude. Mais aussi pour ne pas être monopolisée par la prise de notes et pour avoir l’esprit complètement consacré à la conversation. Mon plus grand cauchemar serait de ne pas saisir au vol une piste intéressante dans la réponse d’une personne que j’interviewe parce que j’étais trop occupée à écouter pour tout noter, mais sans prendre le temps de vraiment comprendre. Comme Rudy est naturellement bavard, c’est sûr que j’aurais raté plein de choses. Assez vite, j’ai réalisé qu’il valait mieux commencer l’enregistrement plus tôt que plus tard… et l’arrêter quand on mettait vraiment fin aux conversations.

Est-ce qu’on a dévié des sujets? Constamment. Avec une grande gueule comme lui (et comme moi, je l’admets!), c’était évident que ça allait arriver. Mais combien de pépites ça m’as permise d’attraper que j’aurais possiblement manqué si je n’avais pas été complètement investie dans la discussion et « pognée » à prendre des notes? Beaucoup!

MU: Au fil de votre collaboration, qu’est-ce qui vous a le plus surprise chez lui : sa franchise, son humour, sa sensibilité, sa mémoire ou autre chose?

Edith Bernier : Je dirais plutôt son ABSENCE de mémoire! Et je sais qu’il ne serait pas insulté que je le dise. Il est vraiment mauvais avec les dates, les années, c’en est presque comique… mais aussi un peu cauchemardesque pour la personne qui écrit sa biographie! rires Je suspecte que ça explique son absence de nostalgie… Il a une relation avec le temps bien particulière, notre Rudy.

Je ne savais pas qu’il était père avant qu’on en parle et sa proximité et son dévouement envers ses deux enfants (maintenant adultes) m’ont beaucoup touchée. Les efforts et sacrifices qu’il a fait pour eux – j’en parle dans le livre à quelques occasions – sont vraiment touchants.

Sinon, je dois dire que ç’a été facile d’écrire sur lui; il s’est ouvert assez facilement. Claude, un de ses collègues de Vilain Pingouin depuis les débuts, m’a dit que Rudy est un excellent juge de caractère et je suis bien d’accord. J’ose espérer que c’est pour ça qu’il a choisi de me faire confiance, comme on ne se connaissait pas du tout avant de se lancer dans le projet de livre…

Il ne craint pas de mettre ses tripes sur la table et de dire ce qu’il pense. Il ne se filtre pas pour faire plaisir ou par prudence. Et surtout, il assume ses propos jusqu’au bout. Pendant les entrevues et la rédaction, j’ai dit souvent à mes proches que j’étais tombée sur un excellent sujet sur qui écrire pour mes premiers pas biographiques.

MU: Pourquoi avoir choisi d’éviter la biographie chronologique pour plutôt construire le récit autour de 23 chansons comme points d’entrée de sa vie?

Edith Bernier : C’était clair dès le départ qu’on ne ferait pas une biographie chronologique et linéaire. Parce que Rudy Caya est tout sauf chronologique et linéaire! L’idée d’axer l’écriture autour des chansons était là depuis le tout début.

Pour ce qui est du choix des chansons explorées et du nombre final, ça s’est fait au fil des entrevues. Il y en avait qui ressortaient plus que d’autres et sur lesquelles Rudy avait beaucoup de choses à dire. C’est étonnant comment ç’a été organique comme processus de création, quand on y pense! Tout allait de soi, de l’idée de faire sa bio aux titres et sujets à explorer… ça se faisait presque tout seul. Je ne sais pas si c’est parce qu’on est tellement allés dans toutes les directions en entrevues, mais les bons filons ressortaient vraiment rapidement et facilement. À qui le mérite? Je ne sais pas. On devait faire une bonne équipe que je me dis!

MU: Comment avez-vous sélectionné ces 23 tounes précises pour représenter différentes périodes, valeurs et prises de position importantes dans sa carrière?

Edith Bernier : C’était important pour moi de couvrir vraiment l’ensemble du matériel qu’il a fait, de la fin des années 1980 à aujourd’hui. C’est pour ça qu’il y a du matériel de tous les albums de Vilain Pingouin ou de Rudy en solo, à l’exception du dernier, Coup de grâce, qui n’était pas sorti pendant la rédaction du livre.

C’était évident qu’il fallait aborder ses gros succès, et il y en a eu pas mal en début de carrière. Mais je trouvais que plusieurs des morceaux qui sont passés sous le radar à l’époque méritaient leur chance d’être connus du public.

Il y a aussi quelques thèmes qui revenaient dans plus qu’une chanson, alors j’ai fait des choix pour éviter que les propos de Rudy sur un sujet se retrouvent dilués dans deux chapitres différents.

J’avais un bassin d’une soixantaine de chansons dans lequel piger; j’en avais présélectionné une trentaine au départ et les 23 tounes finales ont émergé dans le processus. Pour plusieurs raisons, mais surtout parce que Rudy avait beaucoup de choses à dire sur l’histoire de ces chansons et sur les thèmes qu’il y explorait.

MU: Plusieurs chansons abordent des thèmes lourds : apartheid, Seconde Guerre mondiale, santé mentale, prolétariat. Comment avez-vous intégré ces sujets sans dévier de l’essence humaine du récit?

Edith Bernier : J’ai laissé Rudy en parler et guider la discussion, tout simplement. Sa perception et ses réactions devant ces réalités parlent du gars lui-même autant que de l’époque pendant laquelle ça se passait. Rudy étant un gars sensible, je trouvais que ce qu’il avait à dire sur tout ça rendait justice à l’importance de ces événements et thèmes-là.

MU: Vous évoquez sa résilience exceptionnelle après quatre AVC. Comment avez-vous navigué ces aspects sensibles pour préserver la dignité et l’authenticité du récit?

Edith Bernier : Je crois que dans cette résilience-là, il y a justement beaucoup de dignité. Beaucoup de fierté aussi. Et sans doute un peu d’orgueil… Je lui ai souvent répété, pendant nos rencontres, qu’il était farouchement indépendant! Dépendre des autres? Le moins possible! Il va préférer faire les choses lui-même, quitte à ce que ça lui prenne quatre fois le temps et huit fois l’énergie.

Et quand on le regarde aller, on oublie rapidement qu’il a gardé des séquelles de ses AVC tellement il a développé des façons pour contourner ou pallier les limites que ça aurait pu lui imposer. Il est très fier de son côté patenteux et, en bon artiste, il est créatif à tous les niveaux pour ne pas dépendre de personne au quotidien.

MU: On sait que le Québec a parfois de la difficulté à préserver ses archives culturelles. Avez-vous rencontré des obstacles concrets pour retrouver certaines traces, documents ou souvenirs liés à Rudy et à Vilain Pingouin?

Edith Bernier : La plateforme en ligne Eureka, disponible par le site web de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a été extrêmement utile.

Mon grand défi était plutôt au niveau des humains! Les personnalités du monde de la musique de l’époque que j’ai approché (animateurs de télé, critiques musicaux, etc.) ne semblaient pas avoir grand-chose à dire à son sujet. Je me serais attendue à davantage de réactions de leur part et je suis vraiment restée surprise de voir comment ce n’était pas le cas.

MU: Parmi toutes les confidences et les anecdotes recueillies, quel moment vous a personnellement le plus touchée ou émue?

Edith Bernier : Son côté paternel et père poule est vraiment touchant. Il est très, très protecteur de son monde, tant de ses enfants que de ses ami(e)s et des gars de Vilain Pingouin. Comme j’ai perdu mon père pendant la période où on faisait nos entrevues, disons que ç’a m’a encore plus prise aux tripes quand on abordait la question…

Sinon, je dirais que son intégrité est admirable. Il n’a jamais fait de compromis sur ses valeurs ou ce qu’il considérait important pour avoir plus de succès ou encore pour faire plaisir aux autres.

MU: Comment la participation de Normand Brathwaite à la préface s’est-elle concrétisée? Était-ce une idée envisagée dès le départ ou un heureux moment du processus?

Edith Bernier : Nadine, l’éditrice du livre, et moi avions convenu d’aborder quelqu’un d’autre pour la préface. Mais la personne était finalement trop occupée avec des projets en cours pour participer… À ce moment-là, on avait décidé de ne pas faire de préface… mais la vie en a décidé autrement! Si je te dis que l’idée d’approcher Normand est venue naturellement, vas-tu me croire? Il y a beaucoup de choses qui se sont faites toutes seules dans ce livre-là, c’est fou! rires

Rudy et moi faisions des révisions du livre chez lui vers la mi-août après avoir pris des photos pour la promotion du livre. C’est là qu’il a évoqué que ses collaborations avec Normand pour la télé, sur Belle et Bum notamment, avait toujours été vraiment agréables. J’en ai parlé à Nadine tout de suite et le lendemain, je me lançais à essayer de convaincre son agente! On n’avait vraiment pas beaucoup de temps à lui offrir pour qu’il ait le temps d’écrire; il ne faut pas oublier qu’on avait décidé d’aller de l’avant sans préface à ce moment-là… Mais Normand a dit « oui » tout de suite! Et il a livré la marchandise – un texte vraiment touchant – dans les temps.

MU: Avez-vous eu l’impression que Rudy souhaitait profiter de ce livre pour corriger des perceptions, ou au contraire pour se dévoiler tel qu’il est réellement, sans filtre?

Edith Bernier : C’est un gars qui se fout pas mal de ce qu’on pense de lui, que ce soit positif ou négatif; je doute qu’il en ait profité pour corriger le tir sur quoi que ce soit. Est-ce qu’il en a profité pour passer des messages qu’il n’avait pas eu la chance de faire à ce jour? Peut-être. Mais Rudy semble pas mal en paix avec l’ensemble de son œuvre et de ses choix, même s’il n’a pas toujours pu faire tout ce qu’il voulait, artistiquement ou autre… En tous cas, c’est l’impression que j’ai eu de lui.

MU: Le format physique du livre rappelle les 33 tours et les vinyles. D’où est venue cette idée et quel rôle souhaitiez-vous qu’elle joue dans l’expérience du lecteur? D’ailleurs, la présentation intérieure est très différente de celle des ouvrages standards : elle est dynamique, riche en éléments visuels forts et donne presque l’impression d’un objet musical en soi. Pouvez-vous nous en parler?

Edith Bernier : L’idée du format carré, c’est à Nadine qu’on la doit. Je lui fais tellement confiance que je ne lui avais même pas demandé si elle avait un format en tête! C’est quand j’ai reçu le premier fichier PDF mis en page de l’intérieur du livre que j’ai réalisé « Ah! Le livre va être carré! » rires

Je crois que ma plus grande contribution dans le design de l’intérieur du livre est la sélection des citations dans les blocs rouges. Je les ai choisies et placées une à une. Je trouvais que ça donnait du rythme à la lecture mais aussi que ces citations-là illustraient bien qui Rudy est.

Pour ce qui est de la formidable recherche visuelle, on la doit à Nadine et Gabrielle (Leblanc, la graphiste qui a créé le look du livre) qui l’ont fait en presque totalité. J’y ai participé un peu (les pochettes de mes cassettes de Vilain Pingouin apparaissent dans le livre). La sœur de Rudy nous a aussi offert quelques clichés de famille. Claude et Michel de Vilain Pingouin (les deux membres originaux qui sont restés avec le groupe jusqu’à la fin) ont aussi partagé un peu de matériel avec nous. J’ai réussi à « voler » à Rudy quelques photos de famille, mais il n’est vraiment pas un « gardeux de souvenirs », alors ç’a été tout un défi de trouver autant de matériel. Nadine et Gabrielle ont fait des trouvailles vraiment cool et ont fait de ce livre un petit bijou. Difficile de ne pas être honorée d’avoir mon nom là-dessus!

MU : Après avoir réalisé ce livre, comment décririez-vous maintenant Rudy Caya en une seule phrase?

Edith Bernier : deux mots suffisent : « Lapin Energizer »! Parce qu’il n’arrête pas et qu’il a toujours plein de projets en simultané. C’est comme ça depuis notre toute première rencontre. Il planche constamment sur quelque chose! Quiconque pense que la fin de la dernière tournée de Vilain Pingouin est la fin de Rudy Caya est mieux de se raviser… Vous n’en avez pas fini avec lui!

MU: Après cette immersion complète dans la vie d’un artiste que vous admiriez déjà, est-ce que cette expérience a transformé votre façon de voir votre métier d’autrice?

Edith Bernier : J’ai réalisé à quel point c’est loin d’être évident de bien « cerner quelqu’un ». Mais c’est un magnifique défi! Je doute qu’on puisse vraiment « définir » une personne ou faire le tour de son histoire, de ses expériences. Rendre le vécu de quelqu’un d’autre avec une neutralité totale? Je ne crois pas que ce soit possible. Un de mes profs d’université disait que l’objectivité est un piège à cons. C’est un peu fort, mais c’est quand même plutôt vrai. Que l’on soit journaliste ou auteur(ice), qui on est et nos expériences influencent directement ce que l’on dit et écrit et comment on le fait. Je ne suis pas au-dessus de ça. Je sais que mon vécu a sûrement teinté ce que j’ai écrit, mais je reste convaincue que ç’a donné un livre très honnête qui rend justice à Rudy, à qui il est, à ce qu’il a fait et en quoi il croit.

MU: Est-ce que ce livre vous a donné envie de répéter l’expérience avec d’autres artistes québécois? Avez-vous déjà quelqu’un en tête qui mériterait un traitement similaire?

Edith Bernier : Pourquoi pas! Plusieurs artistes d’ici issus de plusieurs domaines mériteraient que leurs expériences soient mieux connues. Mon choix #1? Je serais vraiment honorée de me lancer sur un projet biographique sur l’animatrice Christiane Charrette que j’admire depuis l’adolescence et que j’ai côtoyée pendant un stage à son émission Christiane Charrette en direct, en 2002-2003.

Tout domaine artistique confondu, chez les femmes, je pense à Melissa Auf Der Maur (ex-Hole et Smashing Pumpkins), Dominique Michel, Marjo… Du côté des hommes, Richard Desjardins et Jim Corcoran sont sans doute mes deux paroliers québécois préférés. Et il y aussi Dédé Fortin, Jean Leloup, Rufus Wainwright, François Pérusse, Guy A. Lepage qui me viennent en tête…

MU: Merci pour votre temps. Avez-vous un dernier mot à ajouter pour nos lecteurs?

Edith Bernier : Je n’ai pas le choix que d’inviter les gens à aller se procurer Rudy en 23 tounes ou à en faire la demande à leur bibliothèque locale! J’espère que cette entrevue va leur donner le goût de le faire, en tous cas. Surveillez les salons du livre près de chez vous, qui sait on y sera peut-être…

Mon mot de la fin serait que quiconque gagne à lire ce livre-là. Ses messages et ses expériences sont intéressants et inspirants pour n’importe qui, que l’on soit fan de Rudy ou pas.


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Crédit des images: Saint-Jean Édition

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Marc Desgagné

Propriétaire MetalUniverse.net | Originaire du Saguenay | Ville actuelle, Québec (Canada)

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