PAR JULIEN BAZILE
( Chaîne YouTube Ju de Melon )
(S’il y a bien une chose qui me procurera toujours un plaisir intense, c’est de découvrir quelques groupes peu ou pas connus au hasard de mes navigations et de mes téléchargements. C’est ainsi que je suis tombé sur ce projet unique d’un groupe australien quasiment inconnu. Voyager, voici un nom qui en dit déjà beaucoup, porteur de promesses, et qui se justifiera tout au long d’un album qui, bien qu’étant leur premier opus, se révèle déjà comme une pièce remarquable. Remarquable aussi bien dans la diversité des influences abordées que dans la qualité d’une production étonnante, surtout quand on pense que ces jeunes gens ont tout fait eux-mêmes sans aide professionnelle. Et si vous voulez savoir dans quel style Voyager évolue, je vous répondrais volontiers une sorte de prog power metal aux tendances néo-classiques, électro, death mélodique et même légèrement black. Preuve d’une belle pluralité, n’est-ce pas ?
D’emblée, nous voici transportés dans un autre monde avec une première piste instrumentale (ou presque, puisqu’agrémentée de quelques « hey ») : « Sic Transit Gloria Mundi ». Déjà un incontournable qui montre la grande habileté des cinq musiciens (dont une femme) à maîtriser leurs instruments. Mélange de « cosmic electro metal néo-classique » qui n’est pas sans rappeler Luca Turilli dans « Prophet of the Last Eclipse », ce son permet un lancement parfait pour un album qui s’annonce particulièrement brillant.
Piste 2 ? Et c’est parti ! Première chanson « normale », même si le mot « normal » semble inapproprié tant ce groupe paraît extraterrestre. « To the Morning Light » sonne très électro dans son intro, les riffs de guitare venant vite s’ajouter pour donner un ton résolument agressif… mais point trop. Puis les lignes de chant s’enchaînent, ici le chanteur Daniel Estrin n’offre pas sa meilleure performance mais se rattrape vite en donnant une émotion particulière à son interprétation (alliant voix douces et un peu plus agressives, une marque de fabrique chez lui). Niveau structure, cette chanson n’est pas loin d’être parfaite, et on se rendra vite compte que c’est peut-être le point fort d’un groupe qui avoue y attacher une importance capitale.
La troisième chanson est résolument plus rapide et metal, même si elle garde ce côté électro-cosmique. Par ailleurs, « Cosmic Armageddon Part 1 » (tel est le titre) possède probablement l’une des meilleures intros de tout l’album : mélange d’électro classique et poursuite en riffs metal parfaitement maîtrisés, bien qu’un tantinet anarchiques à l’oreille. Au niveau de la voix, Danny ne faiblit pas en apportant une touche bien plus agressive que précédemment (y ajoutant même un passage black metal). La chanson en elle-même paraît moins originale et plus « power metal classique » que la précédente, avec des solos guitares-clavier parfaitement contrôlés, mais elle reste dans le ton « unique » proposé par l’album. Une très bonne pièce selon moi.
Pour calmer le tout, le groupe propose ensuite un interlude assez court mais chanté… « Towards Uncertainty », qui n’offre aucune originalité supplémentaire et ne semble pas être là pour être une piste marquante. Sympathique avec son ambiance « électro – musique du monde » mais presque inutile, je ne m’y attarderai donc pas…
La cinquième chanson par contre mérite toute mon attention. C’est grâce à elle que j’ai apprécié le groupe, « The Eleventh Meridian », la première véritable chanson que j’ai écoutée d’eux. Et elle restera pour moi l’une des meilleures de l’album. Avec son intro très glorieuse, sa structure irréprochable, sa mélodie assez spéciale et un refrain où la basse donne une touche particulière (ce qui n’est pas pour me déplaire). Niveau voix, Daniel se donne à fond, passant par tous les états sans aller tutoyer les extrêmes. Une piste à la fois simple et peaufinée à son maximum, bref superbe. À noter un passage très étrange après le deuxième refrain, où on entend une sorte de narration en allemand… suivie d’un solo assez court mais parfaitement exécuté, qui peut vous transporter très loin !
Maintenant que nous sommes entrés de plain-pied dans l’album, nous ne pouvons plus en sortir. Surtout quand on écoute la sixième piste, un petit chef-d’œuvre elle aussi, assez calme et moins rapide, au titre évocateur : « This Bitter Land ». Le clavier y est très convaincant, et la voix de Danny continue à nous étonner avec ses « échanges » de voix assez différentes. D’un côté, une voix agressive mais murmurée (rappelant parfois Jonathan Davis, le chanteur de Korn) et d’un autre, cette voix douce et mélodique. Cette chanson pourrait presque être considérée comme une semi-ballade, même si ce n’en est pas vraiment une. En tout cas, l’atmosphère qu’elle dégage est tout bonnement spectaculaire…
Que dire quand on arrive à la septième piste si ce n’est que… la voilà, voilà peut-être LA chanson de l’album. Et encore, je dis cela en étant conscient que les autres ne sont pas loin d’être exceptionnelles. « The Ancient Labyrinth » est tout simplement magique. Pas d’intro, directement nous sommes lancés dans le grand bain… et puis le clavier-piano fait son œuvre, offrant un son particulièrement magique lorsque la guitare le relaie. Unique, cette chanson baigne dans une tonalité légèrement orientale qui peut sonner très typique power metal. Le refrain est parfait, la voix du chanteur nous offre encore tout son potentiel éclectique, puis vient le break-solo : un passage impressionnant où tout se ralentit, en deux temps… et là, on ressent parfaitement les grandes influences musique classique-baroque. On est littéralement télétransporté dans un autre monde, le son du clavier crée un univers véritablement à part. Petite chose à reprocher cependant : la fin. Pour moi, la chanson ne se termine pas au bon moment, la toute dernière partie après le refrain me semblant légèrement de trop. Mais quelle importance vu le chef-d’œuvre ?
Ouf… après cela, il nous faut une pause. Et la voilà, très courte et a cappella s’il vous plaît. « Miseria » nous offre un intermède très étrange, grandement original, avec des chants limite grégoriens. Eh oui, Danny Estrin sait aussi faire cela ! Suite à ce son, on se demande encore plus où on est, après s’être perdu dans le labyrinthe ancien, on se rend tout simplement compte que nous sommes littéralement piégés dans la subtilité et l’unicité de cet album…
Et vlan, une autre claque nous attend juste après. « Monument », la piste 9, porte très bien son nom. Monumentale gifle musicale très speedée, cette chanson excelle dans une rapidité grandiose qui n’a rien à envier aux mythiques chefs-d’œuvre du speed power metal. Exceptionnelle maîtrise des instruments, chanson longue mais constante jusqu’au bout. Intro clavier mythique puis tout s’enchaîne, avec un « yeaaaaaaaaah » classique pour débuter et une mélodie qui reste originale. Non, bien que reprenant les canons du speed power classique, ce son ne tombe pas dans le cliché du genre. Un exploit pour un groupe aussi jeune qui contrôle déjà toutes les clefs de la composition, j’en veux pour preuve ce refrain « à contre-pied » que personne n’attend ainsi. Encore une chanson « dérangeante » donc, mais j’aime tellement cela. Les points forts résident tout de même dans les passages instrumentaux (avec un clavier cosmique implacable) et dans un solo exceptionnel, où clavier et guitares se répondent dans un entrain unique… un pur moment de bonheur qui illumine toute la deuxième partie de la chanson !
N’en jetez plus, je suis déjà sous le charme… et ce n’est pas encore tout à fait terminé. Là, on entre dans la folie complète : la piste 10, « The V Element », étant une musique cosmic techno dance reprenant une composition classique ! Ce groupe est complètement fou. Je n’accroche pas à ce son, n’étant pas un fan de techno, et pourtant… je ne peux que m’incliner devant une telle créativité. Ces Australiens auront vraiment tout fait, tout osé, nous sommes là devant un album d’une diversité redoutable !
Puis ça repart de plus belle avec la suite du premier Cosmic Armageddon, « Cosmic Armageddon Part 2 ». On sent bien que cette onzième chanson est la continuité de la troisième, les mélodies se ressemblent légèrement. Mais plus qu’une suite, elle sait aussi s’imposer comme un son à part entière. Une nouvelle fois, l’intro est implacable de beauté, vraiment l’un des points forts du groupe. Puis la mélodie suit toute seule, Danny n’y offre peut-être pas sa meilleure performance vocale mais tout reste parfaitement dans le ton. Et là encore, les passages « clavier-guitares » sont exceptionnels… uniques… la marque de fabrique de Voyager ! On a même droit à un passage sublime avec un semblant de flûte de pan et une suite vocale parfaite… moment magique, comme il y en a des dizaines dans l’album.
La fin approche et on ne veut pas que ça se termine. Heureusement, il nous reste encore de quoi s’enthousiasmer, à commencer par cette piste 12, « Kingdoms of Control », qui n’est pas loin d’être ma préférée de l’album. Splendide, avec une ambiance orientale parfaite, cette chanson n’est pas très rapide mais tellement fantastique… les mots me manquent pour décrire ce que je ressens en l’écoutant. Toujours avec des influences classiques, l’introduction est envoûtante et puis ça explose lentement… sans jamais tomber dans l’agressivité. C’est un son relativement posé qui met l’accent sur la mélodie et une nouvelle fois la structure se révèle ici sans défaut. Une fois de plus, Daniel Estrin montre tout son potentiel, alliant douceur et puissance. Le solo, quant à lui, se veut simple et purement mélodique, un plaisir pour les oreilles. Bref, un son presque parfait dans son approche originale.
Treizième piste et dernière chanson « normale » disons-nous avec « Time for Change ». De loin la plus calme et la plus mélancolique de l’album. Limite triste mais baignant toujours dans un son clavier entraînant à souhait. La mélodie y tient une place primordiale, elle se révèle sans grande faille, compensant ainsi le manque de rapidité et de changement de rythme. Le clavier est une nouvelle fois la clé de cette musicalité quasi parfaite, et la voix de Danny prend une nouvelle fois toute son ampleur : d’une douceur aigre-douce à une chaleur mélancolique, en passant par quelques chants death-black jamais excessifs qui n’agressent pas les oreilles. Encore une pièce qui se laisse écouter sans équivoque !
Et pour finir, qu’avons-nous ? « Echoes of Old Terra », qui se trouve être une pièce enregistrée à la guitare sèche, avec un fond de clavier cosmique. Quelle beauté pour terminer un tel album, avec encore un son original à contre-pied des autres pistes du CD ! Rien à redire.
Bref, bref, bref… pour un premier opus, nous sommes ici en présence d’un quasi chef-d’œuvre. Dire qu’ils ont réalisé cela tout seuls, dire qu’ils ont eu tout le mal du monde à se faire distribuer… Espérons qu’ils soient vite pris en main par une excellente maison de production car, avec encore plus de moyens, ces jeunes Australiens pourraient nous sortir un deuxième album mythique. Il leur restera à ne pas « s’endormir » sur un tel CD et aussi à savoir varier leurs compositions. Car, et je me dois de le dire en étant objectif, cet album a un seul tout petit défaut : des compositions et des mélodies qui se ressemblent parfois un peu trop, même si l’ambiance change… Certes, il s’agit de leur style propre, mais cela pourrait lasser certains puristes. À suivre donc !
PAR JULIEN BAZILE
( Chaîne YouTube Ju de Melon )
Playlist complète de l’album « Element V »:
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