PAR PIERRE-YVES BÉDARD
[Publiée originalement en 2010] Spirit of the Forest est une formation de métal noir atmosphérique dont les racines sont situées dans les Laurentides, au nord de la métropole. Je dois vous avouer qu’avant d’être approché par un des membres, je n’avais aucune idée de son existence. Cependant, à force de faire des recherches de plus en plus poussées, je ne peux que développer un intérêt grandissant pour ce groupe. En effet, simplement en regardant qui compose le quatuor et leurs projets connexes, il y a de quoi avoir envie de jeter une oreille attentive à la sortie qui sera critiquée dans le présent texte. Avouez que votre curiosité est piquée violemment si je vous parle de Magister Dixit, Superior Enlightenment, Scum Sentinel, Utagr…
Tout d’abord, dès les premiers tours de « Kingdom of Despair », je me suis rendu compte à quel point le produit final avait été peaufiné et travaillé avec tact et précision. Comme un casse-tête, j’ai senti que chaque morceau avait été soigneusement placé et travaillé de manière à former un tout qui se déguste sans le moindre faux pas. De plus, au fur et à mesure que l’auditeur est profondément plongé dans l’expérience, Spirit of the Forest évolue et se transforme sans pourtant perdre sa personnalité unique. Plus précisément, l’album débute sur une note très intense et dictatrice qui m’a fait songer à quelques formations européennes traditionnelles, et avec le temps, l’amateur découvre une musique plus recherchée, tordue et complexe qui se démarque vraiment de ce qui se fait ailleurs dans l’industrie. Dans le même ordre d’idées, plusieurs interludes instrumentaux comportant tous le mot « Forest » sont parsemés tout au long de l’écoute et, à mon humble avis, nous découvrons une facette de la personnalité du groupe après chacun de ces passages.
Musicalement parlant, comme discuté dans les lignes précédentes, Spirit of the Forest porte bien son nom. Malgré une base bien ancrée, le groupe est comme un esprit visible, mais difficilement emprisonnable dans un cadre défini. En effet, le meilleur exemple de cette métaphore est le vocaliste, Lucyber. Plus précisément, il expose parfois un caractère enragé et plein de fureur, alors que lors d’autres passages, il se veut plus torturé, tordu et criard, dans le bon sens du terme. Personnellement, j’aime bien une bonne dose de versatilité lorsque j’écoute une offrande. À la guitare, le même phénomène se produit, mais d’une manière différente. En effet, les riffs proposés par Phobetor et Ekinox sont diversifiés et remplis d’intensité. Par contre, ils sont parfois bâtis de manière solide et prévisible, alors qu’à d’autres occasions, ils provoquent une certaine insécurité dans l’esprit de l’auditeur en raison de leur aspect volage et éclaté. Dans un autre ordre d’idées, le dernier protagoniste nommé est aussi responsable de la basse, et je dois avouer qu’elle est utilisée de manière magistrale. En effet, elle est clairement audible tout au long de l’effort et apporte autre chose qu’un simple support de notes graves à l’ensemble musical. Je concède qu’une telle utilisation n’est pas nécessaire dans tout genre musical, mais Spirit of the Forest a compris tout ce que l’instrument à quatre cordes pouvait apporter à leur produit final. À la batterie, Auster est égal à lui-même. En d’autres mots, il est excellent comme à son habitude. Son jeu concorde à tout coup avec l’ambiance et l’émotion transmise par la pièce, et ses transitions sont impressionnantes et impeccables. Son perfectionnisme est reconnu tant lorsqu’il est derrière une console ou derrière ses tambours, et il fait ses preuves une fois de plus.
Une autre dimension des Québécois qui mérite d’être explorée davantage est bien évidemment les interludes dont il fut question un peu plus tôt. Je ne m’épivarderai pas sur le sujet, mais je tiens simplement à dire qu’ils valent la peine d’être découverts. En effet, ils mettent en scène plusieurs instruments qui n’apparaissent pas nécessairement dans les autres morceaux de l’album. De plus, ils sont bien construits et permettent un moment de pause entre chaque composition rocambolesque qui sert de cœur à l’opus.
En conclusion, Spirit of the Forest propose une œuvre qui ne mérite pas qu’on l’ignore. « Kingdom of Despair » saura attirer les regards des amateurs tellement il est poli et bien assemblé. Chaque musicien propose une performance faisant paraître une expérience hors du commun et une éthique de travail irréprochable. Si j’avais un simple conseil à vous donner avant de vous lancer dans l’aventure que propose l’objet de cette critique, je vous dirais tout simplement de vous laisser guider par « l’esprit de la forêt ». Il vous bercera dans son univers intrigant et vous aurez assurément le goût de retourner valser avec lui dans un avenir rapproché.
PAR PIERRE-YVES BÉDARD