PAR PIERRE-YVES BÉDARD
[Ajout d’archives. Publiée en 2011] Il y a maintenant plus d’un an, Chasse-Galerie a largué une bombe dans le monde du Métal Noir Québécois en mettant en circulation son premier album studio, Ars Moriendi. Les réactions furent unanimes, et plusieurs, dont moi, caractérisèrent ce dernier comme étant un chef-d’œuvre. D’ailleurs, je l’ai élu album de l’année 2010 sans aucune hésitation. C’est donc après ce coup de théâtre que la formation québécoise présente un MCD de quatre pièces, dont une enregistrée lors de leur premier concert dans la Vieille Capitale en septembre dernier. Matrak a caractérisé les morceaux se retrouvant sur l’offrande comme des compositions anciennes qu’il voulait matérialiser afin de créer une coupure avant le deuxième disque complet. Réussira-t-il à garder toute l’attention attirée par l’effort précédent ?
Dès la première écoute, Manifeste se démarque de son prédécesseur. En effet, il expose plusieurs facettes de Chasse-Galerie qui ne furent presque pas exploitées dans Ars Moriendi. Plus précisément, ce dernier allait droit au but avec une ardeur et une puissance déroutantes. Dans le cas présent, chaque chanson a son style et sa personnalité particulière, rendant l’expérience des plus impressionnantes. En effet, Amor Patriae Nostra Lex se rapproche énormément de la sonorité propre aux Québécois. Vocaux déchirants, batterie destructrice, riffs inspirants et basse intelligemment utilisée sont toutes des composantes qui vous seront familières. Dans un autre ordre d’idées, la version alternative de Honte et Fierté offre une structure de base moins complexe à ce que Chasse-Galerie nous a accoutumés sans pourtant perdre sa couleur unique et si savoureuse. Elle est d’ailleurs parsemée d’aberrations énoncées par le président de la France, le très pertinent Nicolas Sarkozy. Par la suite, une pièce acoustique est proposée, venant ainsi donner une toute autre perspective à l’œuvre de Matrak.
Musicalement parlant, les membres du groupe dont il est présentement question sont tout aussi renversants que lors de leur dernière apparition sur disque. Plus précisément, à la batterie, Cadavre fait aller ses baguettes avec une aisance hors du commun. Il est difficile de décrire son style, mais si je peux me le permettre, on dirait qu’il ne joue pas un rythme agrémenté de fills, mais une énorme quantité de fills avec un peu de rythme à travers. En d’autres mots, il ne peut rester immobile plus que quelques secondes sur une même séquence, ce qui rend sa performance rafraîchissante et spectaculaire. Aux guitares, il est à noter que Matrak a enregistré la majeure partie de ce qui se retrouve sur la parution, à l’exception de la pièce en concert qui met en vedette Blanc Feu et Voldsom. La musique de Chasse-Galerie est pluridimensionnelle, mais une place de choix est réservée à l’instrument à cordes, qui demeure l’âme des compositions. Une guitare acoustique et classique sont même utilisées dans Ode Hivernale, qui se veut le moment de relaxation de l’écoute.
À la basse, Matrak se démarque avec brio, comme à son habitude. Étant aussi compositeur, il exploite son instrument comme nul autre ne sait le faire. En effet, on entend ses cordes résonner clairement tout en apportant un aspect plus recherché à l’ensemble musical. Il se contente rarement de bêtement suivre la parade, et c’est une des raisons pourquoi le quatuor est si apprécié. Finalement, aux vocaux, Blanc Feu fait preuve d’une versatilité qui se voulait moins apparente dans les premières sorties de Chasse-Galerie. Plus précisément, étant un amateur de son projet personnel (Mêlée des Aurores), je suis à l’affût de tout ce qu’il est en mesure de créer avec son vocal. En fait, son apport est beaucoup plus varié qu’auparavant. Certes, il a conservé son ton dictateur et sa ferveur légendaire, mais il s’est aussi permis d’exposer son côté plus langoureux et torturé, notamment dans le morceau acoustique, ce qui cadre merveilleusement avec l’ambiance dégagée.
Entre autres choses, il serait impoli de ne pas parler du côté technique de l’opus. Tout d’abord, la pièce live fut captée par François C. Fortin, et je dois avouer que son travail donne une qualité sonore assez remarquable au produit final. On se croirait presque debout dans l’Agitée, salle où prenait place le spectacle. De plus, je ne pourrais passer sous silence le travail de Charles Benoit, qui a créé une pochette à la fois simple et sublime.
En résumé, avec Manifeste, Matrak et ses compatriotes viennent nous démontrer toute l’étendue de leur talent et leur fierté pour notre province. En effet, tout en restant fidèle à sa ligne de pensée nationaliste et à sa musique brutale et sombre, ce dernier a su exploiter des terres inconnues, ce qui rend l’expérience des plus agréables et surprenantes. Par ailleurs, le MCD met la table de belle manière pour les sorties futures de Chasse-Galerie. Une chose est certaine, si le vieux stock des Québécois réussit à sidérer de telle façon, j’ai bien hâte de porter une oreille sur du nouveau stock.
Big Cartel: https://chassegalerie.bigcartel.com/
PAR PIERRE-YVES BÉDARD