Spectacle: Le 10 novembre 2023 au Club Soda de Montréal
Organisateur : Extensive Enterprise
Photographe: Stéphan Lévesque
Compte-rendu: Stéphan Lévesque
De retour à Montréal 5 jours après Dragonforce pour un événement avec une saveur complètement différente, mais offrant une qualité de musiciens encore plus exceptionnelle pour la plupart. Le Club Soda est bondé de monde, je regrette déjà mon coton ouaté qui me donnerait chaud même au balcon, cependant je me dirige directement vers l’avant. Du moins, j’essai de le faire graduellement et poliment parce que c’est plutôt jampack avant même qu’une note ne soit entendue.
The Omnific
En remplacement des virtuoses de Persefone qui ont aux grands regrets de plusieurs annulé leur présence de cette tournée du tonnerre, c’est The Omnific de l’Australie qui relève le défi de réchauffer l’atmosphère. Jouant en trio avec un batteur et 2 bassistes des plus talentueux, les jeunes hommes nous envoient une musique « djenty » avec des rythmiques qui « bounce » bien accompagnées d’intéressants leads. À part les riffs principaux qui sont souvent à l’unisson, ils nous réservent la plupart du temps un riff offrant une structure solide alignée avec les percussions pour ensuite renchérir avec de belles mélodies qui se transforment souvent en solo de basse qui mettent l’eau à la bouche de la majorité des gens présents. On s’entend que lorsque tu vas voir NEO et Beyond, ce n’est pas une assertion téméraire de ma part que tu affectionnes vraisemblablement l’instrument qui ne sert que de fondation rythmique dans bien des groupes, tu aimes aussi que les bassistes prennent le spotlight pour te faire vibrer. C’est ce que je constate, car les gens embarquent et acclament généreusement The Omnific. C’est mérité, car les gars performent avec engouement, mon coton ouaté est rendu à ma ceinture, car il commence à planer une dose non négligeable d’animosité dans l’air. Ils quittent donc sous les applaudissements, nous sommes bien éveillés. Gageons que plusieurs iront découvrir davantage ce band instrumental. Dure processus de décision, l’envie de faire descendre un houblon dans mon oesophage est plutôt vif, toutefois je risque de perdre mes avancements vers le devant le scène. Dénouement, au diable la bière attendra!
Beyond Creation
Après 4 ans d’absence des planchers de scène avant le début de cette longue tournée, les montréalais de Beyond Creation paraissent affamés à leur arrivée des coulisses et nous encore plus. Ce n’est que l’intro de Fundamental Process avec Simon Girard qui joue avec son volume de pickup faisant ainsi vaciller ses notes sans distorsion comme pour s’introduire en douceur dans l’ambiance que déjà quelques disciples s’agitent avec puissance autour de nous. Un d’entre eux frôle la déplaisance totale en fonçant aléatoirement dans les gens devant lui les coudes en l’air. Mon ami Mike est sur le bord de lui offrir gratuitement une leçon de vie lorsque j’interviens pour lui dire que dans quelques secondes bien d’autres s’en chargeront. C’est effectivement ce qui se passe et un slam d’une brutalité saisissante explose aussitôt la disto enclenchée. De nombreux participants déchaînent une énergie colossale qui fait tilter littéralement le tiers du parterre, je pourrais le décrire comme un circle pit chaotique qui va dans maintes directions à la foi. D’où je me tiens, il est préférable de garder un oeil sur le stage et un autre sur l’action au sol en se tenant prêt à parer les arrivées impromptues de corps propulsés avec vigueur.
Le son du groupe est excellent, on entend davantage M. Chartré que son acolyte à la guitare sans pour autant perdre Simon dans le mix. Très technique comme ils nous y ont habitués dans leurs compositions, les gars de Beyond Creation joue avec une droiture qui donnerait une leçon à la bulle d’un niveau de charpentier-menuisier. Les harmonies au tapping sont au rendez-vous tout comme les solos inventifs, remplis d’émotions, mélodieux avec un côté obscur que nous proposent les 2 guitaristes jouant sur des headless de Strandberg. Ça semble si facile et trippant pour eux de délivrer de pareilles prouesses avec justesse que certains d’entre nous feel certainement cheap un peu pour leurs guitares qui ne reçoivent pas un traitement aussi royal et jouissif. C’est clair que je n’apporterai jamais une de mes 6 cordes à un show de ce groupe puisqu’elle risque de me sécher instantanément dans les mains pour s’effriter par la suite en mille miettes à leur prochain usage. Kevin Chartré n’est pas en reste dans ce spectacle et son style complémente si bien celui de Simon. Il utilise habituellement plus de notes pour arriver à ses fins avec un bel éventail de techniques ce qui donne une belle distinction entre les 2 solistes. De plus, Comment pourrais-je omettre de parler du musicianship de Hugo Doyon-Karout dont les doigts volent voluptueusement sur sa basse. On peut parler longtemps des guitaristes, cependant leur jeu ne serait jamais aussi bien mis en évidence sans la solidité des tracks de Hugo et l’innovante prestation à la batterie de Philippe Boucher. Ce dernier est d’un dynamisme survolté en plus de nous proposer des arrangements des plus diversifiés qui agrémentent avec complexité les riffs.
Après quelques pièces rentrent dedans, nous avons le droit à un répit dans la partie instrumentale et planante de la pièce titre du dernier album Algorythm. J’ai un gros faible pour cette dernière qui dévoile un côté plus jazzy du quatuor surtout dans le solo de Simon Girard qui brille par l’élégance de son phrasing qui se concrétise en un build up culminé par une admirable montée de tapping à 6 doigts, pas gênant. Le crescendo repart de plus bel avec un riff en finger style qui nous ramène ensuite à la distorsion et le thème principal, une chanson envoûtante sans délaisser l’ADN de leur son. La furie reprend en grand dès que le chanteur nous annonce en gueulant le titre Coexistence qui est sur le premier album The Aura. Ça rentre sur un clavaire de temps et je me lance dans le circle pit sans hésitation pour les 2 premières minutes avant de m’éclipser plus en avant afin de retrouver mon souffle. J’ai beau jouer plusieurs fois par semaine au hockey, cette présence est plus demandante que toutes celles que j’effectue sur la glace, damn que le monde est féroce ce soir. Omnipresent conclut le set de nos chéris québécois en grande force. J’aurais rêvé d’entendre The Deported tant qu’à être dans le premier album, mais cette pièce ambitieuse sera pour une autre fois en headline.
Ne Obliviscaris
L’attente fut longue également pour les partisans de Ne Obliviscaris, car les Australiens étaient venus il y a déjà 5 ans en première partie de Wintersun. La bande sonore tourne et le groupe fait son apparition pour entamer la toune Intra Venus de l’album Urn. Une belle façon de sonner le coup d’envoi à un long show de Progressive Death Metal avec une courte chanson de 7 minutes, alors qu’on sait qu’on se fera servir de nombreux morceaux qui excèdent la barre des 10 minutes. Le son de qualité est au rendez-vous à l’avant et c’est reparti pour les festivités cinglantes sur le parterre parce que bien que moins coup de poing que Beyond Creation en général, NEO ça déménage avec fougue aussi à ses moments. Tim Charles ne tarde aucunement à nous transmettre son charisme infini autant par sa sublime voix que par ses acrobaties inspirées sur son violon. Après la pièce initiale, Tim prend le temps de constater la frénésie dans l’assistance, sourire et nous demande de nous calmer un peu dans le but de nous adresser quelques mots. Il introduit aussitôt le nouvel album tant attendu Exul avec le premier single Equus en affirmant qu’ils aligneront quelques extraits de cette nouvelle offrande des plus remarquables à mes goûts. C’est trop pour mes 2 amis qui m’indiquent qu’ils poursuivront l’aventure plus à l’arrière. Comble de chance pendant les premières minutes de Equus, mon ami Hovig, désormais appelé Hagrid, m’aperçoit et me tire de force à l’avant où il se trouve bien accoté sur la barrière, ok là on jase.
On ressent la pression du pit derrière nous sans nous empêcher d’examiner avec soin chacun des méticuleux mouvements des 6 musiciens sur le stage. Après le magnifique solo de guitare de Benjamin Baret, la fin épique de la chanson incluant plusieurs ingrédients importants du band qui s’imbriquent l’un dans l’autre comme des bloc légos. On parle de la double pédale dans le fond, du chant divin, planant, soutenant longtemps ses notes de Tim, de la voix enragée remplie de hargne de James Dorton en remplacement de Xen qui est malade, du riff à la sonorité légèrement dissonante rappelant du Black Metal et la basse qui coule dans le mix. Sans perdre de temps, NEO plonge immédiatement dans la toune suivante de l’album intitulée Misecorde qui comprend 2 parties. La première plus vigoureuse avec de gros riffs et la basse de Martino Garatonni qui s’amuse derrière jusqu’à ce que le violon de Time Charles reprenne la vedette avec toute sa mélancolie qui s’incorpore si bien au reste des instruments. La pièce se termine en douceur pour débuter la partie 2 qui est un très long crescendo avec le violon au front, très ambiant jusqu’à que Benjamin s’invite avec un des plus beaux solos que j’ai entendu en 2023. Il monte en intensité plus ça avance et ils utilisent une maîtrise de la guitare qui en ferait baver plusieurs. Il se sert de tout son arsenal, son Floyd pour moduler certaines notes, des harmoniques bien positionnés pour ajouter du punch, son excellent vibrato pour soutenir la tension et de multiples techniques pour rendre le tout très difficile à répliquer. C’est tout un contrôle de son instrument pour aboutir sur la transition médiane de la chanson qui augmentera en dramatisation avec le violon et le vocal de Tim jusqu’à sa conclusion.
La foule est bruyante et c’est signe que le nouvel album est bien reçu parce que tu peux perdre ton publique aisément avec 30 minutes consécutives d’un nouvel opus, mais non, on est tous là en admiration à vivre l’instant présent. Cependant quoi de mieux que d’enchaîner avec Libera (Part 1): Saturnine Spheres pour redonner de la vélocité à cette prestation, c’est personnellement une de mes favorites de leur catalogue. Il y a tous les éléments que tu veux de NEO et les dernières minutes de celle-ci commençant par un retour brusque à l’acoustique et l’entrée du violon qui me rappelle l’ambiance de la musique sur les terrasses parisiennes, c’est exquis. Tim s’amuse ainsi et boom le gros riff avec la double caisse nous pète dans la face, c’est tellement senti. Le blast beat du nouveau drummeur Kevin Paradis nous frappe alors avec les 2 voix qui se confrontent en duo avec des lignes de violon qui aillent et viennent pour rendre le tout si parfait, complet. Tu fermes les yeux pour décoller encore plus à moins d’être dans le pit bien entendu, sinon tu es un méchant malade!
Tim nous donne un petit cours d’histoire sur la naissance du groupe jusqu’à aujourd’hui pour terminer en présentant la chanson initiale que le groupe avait composée en 2005 appelée Forget Not. C’est un retour à quelques minutes plus calmes qui t’emportent et t’aident à récupérer quelque peu. Je dois d’ailleurs souligner l’excellent « pace » dans le choix du setlist. La chanson gagnera en intensité évidemment et bang « Devour Me, Colossus (Part 1): Blackholes » nous balance une solide gifle au visage. Quel morceau époustouflant, sûrement dans mon top 3 du groupe, une autre qui nous amène dans toute les sphères que le groupe peut nous offrir pendant 12 minutes de temps, mon show est fait. Mais attend un peu, il leur reste du gaz il paraît et une dernière chanson du nouvel album est annoncée comme étant la définitive du show. Graal est exécuté, j’aime beaucoup celle-là aussi, aucun maillon faible ce soir, que du bon. On ne manque pas d’indiquer au groupe notre grande joie et volonté qu’ils en ajoutent une couche à la conclusion quand ils quittent la scène.
Après quelques minutes, Tim Charles apparaît au balcon du Club Soda parmi les spectateurs pour débuter la sublime introduction de la pièce fétiche du groupe « And Plague Flower the Kaleidoscope ». Tout s’arrête pendant 30 secondes au moment que le drum doit s’affirmer afin que Tim revienne sur scène et la pièce se poursuit pour la satisfaction de tous. Un chef d’oeuvre qui est transposé live avec une aisance enviable, nous sommes en trance quand le couplet initial signale le début à la voix avec Tim qui pousse une longue note tandis que James beugle sa vie par-dessus. Dès qu’il ne chante pu, Tim reprend le lead avec le violon jusqu’au solo qui émerge avec une « run » de sweep picking délivré par Benjamin. Tim et James se joignent ensuite près de nous en montant sur la rampe. J’ai donc l’opportunité de les voir s’exercer à deux pouces de ma face, plutôt exaltant. La pièce se termine sur une ovation plus que méritée. L’attente a été longue, mais combien profitable quand tu aimes ce genre de musique qui te fait vivre une nouvelle aventure à chaque titre. Un autre spectacle sold out à Montréal qui génère une atmosphère incroyable et une alliance entre les fans et le band qu’on ne voit pas souvent. On se croise au prochain show, cheers!
Setlist Beyond Creation
Fundamental Process
Earthborn Evolution
In Adversity
Ethereal Kingdom
Algorythm
Coexistence
Omnipresent Perception
Setlist Ne Obliviscaris
Intra Venus
Equus
Misericorde I – As the Flesh Falls
Misericorde II – Anatomy of Quiescence
Libera (Part I): Saturnine Spheres
Forget Not
Devour Me, Colossus (Part I): Blackholes
Graal
And Plague Flowers the Kaleidoscope